La foule des vivants rit et suit sa folie,
Tantôt pour son plaisir, tantôt pour son tourment ;
Mais par les morts muets, par les morts qu’on oublie,
Moi, rêveur, je me sens regardé fixement.
[…]
Moi, c’est là que je vis ! — cueillant les roses blanches,
Consolant les tombeaux délaissés trop longtemps,
Je passe et je reviens, je dérange les branches,
Je fais du bruit dans l’herbe, et les morts sont contents.
Là je rêve ! et, rôdant dans le champ léthargique,
Je vois, avec des yeux dans ma pensée ouverts,
Se transformer mon âme en un monde magique,
Miroir mystérieux du visible univers.
Regardant sans les voir de vagues scarabées,
Des rameaux indistincts, des formes, des couleurs,
Là, j’ai dans l’ombre, assis sur des pierres tombées,
Des éblouissements de rayons et de fleurs.
Là, le songe idéal qui remplit ma paupière
Flotte, lumineux voile, entre la terre et nous ;
Là, mes doutes ingrats se fondent en prière ;
Je commence debout et j’achève à genoux.
[…]
– Victor Hugo – Dans le cimetière de ** –